Empathique, discrète et disponible à toute heure: depuis mai 2025, les personnes souffrant de stress psychique au travail peuvent échanger avec l’avatar «Ella», basé sur l’IA. Rachel Affolter, membre de la direction du centre de santé WorkMed, et Jan Borer, psychologue du travail chez Employés Suisse, donnent un aperçu des coulisses du processus de développement du chatbot et évoquent l’accueil réservé à l’assistante numérique par les utilisatrices et les utilisateurs.

Depuis 2022, la plateforme web «Etwas tun? !» de l’association Employés Suisse soutient les personnes confrontées à des situations stressantes au travail. Cette offre de prévention gratuite permet aux personnes concernées d’apprendre à gérer les défis psychologiques rencontrés dans leur quotidien professionnel. Grâce à des formations et exercices ludiques, les personnels et les entreprises peuvent renforcer leur bien-être psychique au travail et améliorer leurs stratégies de gestion du stress et des émotions négatives.

L’application web a été développée en collaboration avec les psychologues (du travail) de WorkMed, filiale de SWICA, et s’appuie sur les dernières études scientifiques en matière de santé mentale. En mai 2025, l’avatar «Ella», basé sur l’IA, a été ajouté à la plateforme.

Cela fait désormais six mois qu’«Ella» accompagne des personnes souffrant de problèmes psychiques au travail. Dans quelle mesure cette offre est-elle utilisée et quels ont été les retours jusqu’à présent?

Jan Borer: Après une phase de lancement, nous suivons désormais l’utilisation depuis environ trois mois. Malgré les réserves attendues et le scepticisme occasionnel à l’égard de l’IA, l’offre suscite un grand intérêt et est largement utilisée. À ce jour, nous avons enregistré près de mille cinq cents conversations suivies par mois sur divers sujets. Le fait qu’un grand nombre d’utilisatrices et d’utilisateurs interagissent souvent avec «Ella» sur une longue période indique que l’offre est prise au sérieux. Il s’agit fréquemment de questions liées à la gestion des processus de changement ou à la surcharge quotidienne au travail.

Qu’est-ce qui a motivé le développement d’un avatar basé sur l’IA et comment «Ella» est-elle utilisée?

Rachel Affolter: Les technologies innovantes telles que l’IA peuvent constituer un complément utile, disponible à tout moment et anonyme aux options thérapeutiques classiques. Avec ses exercices, ses études de cas et ses éléments d’information, l’application web «Etwas tun?!» est plutôt dense en texte. Dans ce contexte, Employés Suisse nous a soumis l’idée d’enrichir la plateforme web avec une application basée sur l’IA facilement accessible.

Les personnes en situation de stress peuvent à tout moment échanger très simplement avec «Ella». Lorsque j’ai testé «Ella», je l’ai trouvée très utile pour aiguiller. Elle fait preuve d’empathie envers les utilisatrices et les utilisateurs, leur donne des conseils, tout en leur proposant des approches et des outils concrets. Cela peut être une aide très précieuse, en particulier dans les situations difficiles.

L’assistante numérique fonctionne selon le principe de l’auto-assistance; elle comprend le dialecte et communique en allemand, en français et en italien. Elle ne vise toutefois pas à remplacer un entretien personnel, une thérapie ou une intervention en cas de crise. Elle est également capable de détecter lorsqu’une aide professionnelle devient nécessaire. C’est quelque chose que nous avons testé.

Jan Borer avec l’Avatar IA Ella

Il s’agit là d’une fonction de sécurité essentielle. Lors d’un essai personnel, j’ai confronté «Ella» à un problème fictif et lui ai fait part de mon désespoir – à la suite de quoi elle m’a conseillé de rechercher l’aide d’une ou d’un professionnel. Jan Borer, comment le chatbot détecte-t-il concrètement qu’un soutien professionnel serait plus adapté?

Borer: Nous avons entraîné «Ella» à reconnaître une série de mots-clés indiquant des problèmes graves, tels que le suicide. Sa base d’apprentissage est large et enrichie par l’application web qui fonctionne en arrière-plan, dans laquelle elle puise des informations supplémentaires. Si la situation semble se dégrader, c’est-à-dire si le problème s’aggrave, «Ella» recommande un soutien plus poussé. Néanmoins, comme le chatbot apprend continuellement, une précision absolue ne peut pas être garantie. Mais, en règle générale, la détection fonctionne de manière fiable.

À quoi ressemble concrètement le processus de développement d’un chatbot utilisant l’IA?

Affolter: Le développement de l’assistante numérique a pris moins d’un an. L’équipe de projet, composée de neuf personnes, était constituée d’expertes et d’experts de WorkMed, de Employés Suisse et du développeur de logiciels Kuble AG. Chez WorkMed, nous étions principalement responsables du contenu et de son utilisation correcte par «Ella».

Dans un premier temps, il s’agissait notamment de déterminer ce qu’elle devait ou non pouvoir faire. On a évalué le rôle qu’elle devait jouer et fixé une délimitation claire par rapport aux thérapeutes et aux médecins.

Borer: En résumé, notre équipe de projet a travaillé pas à pas sur la base d’une idée porteuse associant la psychologie et la technologie jusqu’à l’obtention d’un concept convaincant et commercialisable pour le chatbot basé sur l’IA.

Les utilisatrices et utilisateurs du chatbot doivent confier leurs angoisses et leurs préoccupations très personnelles à une entité numérique qui, bien qu’elle semble empathique et humaine, n’est pas un véritable être humain. N’est-ce pas un obstacle pour beaucoup?

Affolter: Nous sommes bien conscients du défi que cela représente. Tout comme certaines personnes hésitent à discuter en personne avec quelqu’un, d’autres ont du mal à faire confiance à un chatbot. Notre ambition n’a jamais été de faire d’«Ella» un substitut complet aux interactions humaines. Des études ont révélé qu’un grand nombre d’utilisatrices et d’utilisateurs réagissent particulièrement bien aux applications web anonymes. Pour les personnes qui utilisent déjà des services de conseil en ligne par chat, l’avatar basé sur l’IA constitue une alternative facile d’accès. Il en va de même pour celles qui sont moins enclines aux interactions humaines ou qui ne sont pas sûres que leur situation justifie une aide professionnelle. Il y a évidemment aussi des gens qui préfèrent le contact direct, en personne ou par téléphone.

La confiance et l’anonymat sont des facteurs importants en matière d’utilisation. Comment garantissez-vous la protection effective des données personnelles?

Affolter: L’offre de conseil est anonyme. Nous ne stockons aucune donnée et ne procédons volontairement à aucune évaluation des informations. De plus, les utilisatrices et utilisateurs d’«Ella» sont expressément invités, dès le début, à ne pas mentionner les noms des personnes ou des entreprises concernées. Notre politique de confidentialité peut être consultée à tout moment de manière transparente sur l’application web.

L’intelligence artificielle et le monde du travail évoluent extrêmement vite. Comment vous assurez-vous qu’«Ella» suive le rythme?

Affolter: De nouvelles connaissances alimentent sans cesse l’IA, même si le contenu n’est pas actualisé en permanence. Nous avons démarré avec les rubriques «Souffrance psychique», «Changement», «Frustration» et «Surmenage», avant d’ajouter la catégorie «Émotions». Et il est fort possible que d’autres thèmes suivront au fil du temps.

Borer: Il y a plusieurs facteurs qui contribuent à ce que l’application reste de pointe. D’abord, nous procédons régulièrement à un état des lieux dans le cadre de notre gestion de la qualité et analysons les données que nous suivons en permanence. Ensuite, nous travaillons en étroite collaboration avec WorkMed et les développeurs de logiciels afin d’anticiper les développements techniques et de contenu. Je m’inspire également de mes contacts extérieurs: lorsque je suis en formation ou que je donne moi-même des conférences, je suis attentif aux questions posées et aux principaux problèmes auxquels les gens sont confrontés.

Une autre orientation importante consiste à rendre «Ella» encore plus accessible. Cela pourrait notamment se traduire par un accompagnement accru à l’avenir avec des rappels hebdomadaires incitant à la réalisation de certains exercices proposés par l’application «Etwas tun?!».

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